Articles de Avril 2004

Six ans après, Grenoble retrouve donc le stade ultime du championnat. Mais s'ils sont encore quelques-uns (Simon et Benoît Bachelet, Bonnard, Podlaha, Agnel et De Murcia) à avoir brandi la coupe Magnus cette année-là, le club est aujourd'hui sûr d'une chose: il ne déposera pas le bilan comme ce fut le cas après les deux derniers sacres des Brûleurs de loups (91, 98). Signe que

les temps changent dans le hockey français et que Grenoble n'a pas versé

dans la surenchère pour se rapprocher du Graal. Et pourtant, le bilan de "l'outsider", selon l'expression chère à Gérald Guennelon, donne le vertige : en 39 matchs officiels, Grenoble affiche 32 victoires, pour seulement deux nuls et cinq défaites. Et a même enregistré son sixième succès consécutif en play-off en autant de rencontres. "Nous sommes dans la lignée de la saison régulière", précise Deschaume, auteur du deuxième but mardi soir. Seule la défaite en finale de la coupe, "qu'il nous a fallu digérer", ternit ce

tableau inattendu. Inattendu car à vrai dire, les Brûleurs de loups ne portaient pas le costume du favori en début de saison. "Ça s'est dessiné en janvier-février, souligne Benoît Bachelet, alors qu'on annonçait auparavant Amiens comme le futur vainqueur du championnat en l’absence de Rouen." Et tandis que Grenoble se frayait un chemin sans frayeur en play-off, Amiens peinait en quarts de finale pour venir à bout de modestes Dijonnais. "Une seule chose compte en séries finales, nuance Bachelet : c'est

d'être en finale. Peu importe le parcours". Mais la manière avec laquelle Grenoble franchit les obstacles est frappante. Capables de mener le jeu et de tuer tout suspense à la moindre supériorité numérique, les Isérois savent se muer en une forteresse imprenable dès lors que la pression s'inverse, comme mardi soir durant le premier tiers à Brest. Le tout protégé par un gardien, Patrick Rolland, auteur d'une prestation hallucinante en Bretagne. "Je ne peux pas inscrire de buts, alors je fais mon maximum pour ne pas en prendre, disait-il la voix souriante. En sachant que mes coéquipiers auront toujours l'occasion de marquer." Un schéma aussi simple sur le papier que complexe sur la glace, alchimie subtile concoctée par Gérald Guennelon. Un coach qui a réussi le tour de force d'intégrer, en quelques jours, deux joueurs finlandais (Kaartinen et Holopaïnen), pour remplacer deux internationaux blessés pour plusieurs mois (Meunier et Bonnard), sans que le rendement ne s'en ressente pour l'instant.

Toujours est-il que ces Brûleurs de loups, comme les Picards, ont une semaine pour préparer cette finale en aller-retour (lire ci-contre). Que l'adversaire se nomme Amiens, comme en 98, n'émeut pas plus que ça le buteur tchèque Josef Podlaha (5 buts et 5 passes décisives en six matchs de play-off): "C'est juste un clin d'œil, assure-t-il. Je me fous de l'identité de nos concurrents, ça fait trop longtemps que je n'ai pas joué de finale pour m'en soucier. A mon âge, je dois en profiter pour la gagner. Car finir ou 2è ou 12è, pour moi, ce sont deux places aussi dégueulasses (sic) l'une que l'autre". Capitaine de l'épopée 98 et entraîneur aux anges pour sa première expérience à ce niveau, Gérald Guennelon avait, mardi, les yeux rougis par l'émotion. Même s'il sait que la dernière marche est toujours la plus haute, il a déjà gagné son pari. "C'est énorme" répétait-il à l'envi. Et peut-être historique d'ici peu.

FINALE : Les mauvais comptes du règlement

"Voilà une nouvelle décision sans queue ni tête". Le problème soulevé par Benoît Bachelet? D'abord, le règlement de la finale. Disputée en deux manches

gagnantes l'an passé, avec match d'appui chez le mieux classé, la formule avait

emporté l'adhésion et sacré Rouen au terme d'une série étouffante contre

Amiens. Cette saison ? Un aller-retour. Où le goal-average n'entre pas en ligne de compte, mais seulement les points gagnés. A savoir par exemple qu'en cas de victoire amiénoise en Picardie mercredi, et de Grenoble vendredi en Isère, une prolongation en mort subite sera disputée quels que soient les scores des deux matchs, pour départager les équipes! Et éventuellement une séance de tirs au but... Un choix formidablement abscons pour le grand public, qui se double ensuite d'une autre "étrangeté" : pour être retransmis sur une chaîne télévisée privée et câblée, les deux finalistes devront verser au bas mot 15 000 euros (!), le club amiénois ayant cependant affirmé qu'il ne paierait pas.

La fédération, financièrement aux abois, s'était gargarisée au cœur de l'hiver de mettre sur pied une finale à Bercy qui serait diffusée sur une chaîne publique. "On peut remercier la fédération pour sa bonne négociation et sa grande logique dans la finale du championnat" ironisait Benoît Bachelet. Mieux vaut en rire, effectivement. Parce que c'est à pleurer.