Articles de Octobre 2004

Après tout, pourquoi la France aurait-elle été épargnée ? Lundi, les comptes de la Fédération internationale révélaient que 189 joueurs évoluant au printemps dernier en National Hockey League (NHL) avaient déjà débarqué en Europe cette saison. Et la paralysie des négociations salariales entre propriétaires et joueurs de la ligue professionnelle majeure nord-américaine laisse présager un prolongement de la grève susceptible d’entretenir cet exode. « Je pense que le lock out durera toute la saison » , tranche Steve Montador, le défenseur de Calgary, finaliste de la dernière Coupe Stanley, arrivé à Mulhouse mi-septembre.

Oui, à Mulhouse !

« Je voulais être sûr de trouver un endroit où jouer cette saison, explique t-il. J’avais un ami, Ryan Christie, qui venait de signer ici et qui m’a mis en contact avec Mulhouse. Pour moi, c’est le moyen de ne pas perdre une saison, de jouer au hockey et de connaître une expérience nouvelle, de jeu et de vie. » Après tout, Montador (107 matches avec Calgary) n’est pas le premier joueur de NHL à rayer les patinoires françaises. Paulin Bordeleau fut l’un des meilleurs d’entre eux, dans les années 1980 àMegève. En fin de carrière, la star Bob Gainey était passé une saison par Épinal il y a dix ans. Et Philippe Bozon était arrivé de Saint Louis à Grenoble dans des circonstances similaires, lors de la grève NHL de 1994.

Par ailleurs, Montador n’est pas seul puisque Steve Gainey (13 matches avec Dallas), fils de Bob, revient à Épinal cette saison sur les traces de son adolescence. Surtout, Steven Reinprecht arrivera lui aussi à Mulhouse demain. « J’ai envoyé des e-mails et appelé mes amis à Calgary, raconte Montador, et Steven, qui a une femme francophone, a à son tour pris contact avec Mulhouse. » Lorsque l’agent de Reinprecht a proposé les services de son client au coach mulhousien Christer Eriksson, celui-ci a « d’abord cru à une blague ».De fait, acteur important du titre NHL de Colorado en 2001, champion du monde avec le Canada l’an passé en Finlande, totalisant 319 matches NHL (pour 69 buts et 113 assistances), Reinprecht est une pointure appelée à devenir la grande star de la Ligue Magnus cet hiver.

Des contrats « amateurs »

Très logiquement, la France du hockey se demande où Mulhouse, qui avait déjà recruté fort cet été, a trouvé les moyens financiers pour attirer de tels joueurs, même bradés. « Ça apporte du spectacle et de la médiatisation mais la politique du clubmefait un peu peur, avoue Luc Tardif, le président de l’Autorité du hockey français. Je crains le retour d’une course aux armements. En tout cas, ils nous ont fourni des contrats "amateurs", ce qui signifie que chacun de ces joueurs ne pourra leur coûter plus de 7 000 euros d’ici à la fin de la saison. » Claude Heyberger, le président mulhousien, se veut rassurant : « On ne peut pas payer des gars comme ça : Reinprecht touche 1,5 million de dollars par an à Calgary quand mon budget est de 850 000 euros ! On leur offre juste le logement, la voiture et l’avion. »

Reste à savoir comment ces joueurs s’intégreront. « La vitesse est supérieure à ce que je pensais, concède Montador. Mais on peut beaucoup plus facilement porter le palet et le rythme d’un match par semaine me semble insuffisant. » Quant aux autres joueurs mulhousiens qui risquent de perdre leur place, « des frictions sont inévitables », avoue l’un d’entre eux. À Rouen ou à Grenoble, on a ainsi préféré repousser les offres venues de NHL. « On voulait être sûr de disposer du même groupe jusqu’à la fin de la saison », résume Guy Fournier, le coach normand, qui n’a par exemple pas donné suite à une proposition du célèbre Québécois Luc Robitaille. Heyberger, lui, avoue « prier chaque jour » pour que la grève NHL continue.