De l'importance du gardien

 

Article Le Bien Public (28 novembre 2003)

L'évolution du hockey a fait du gardien une pièce maîtresse sur l'échiquier. Un poste qui exige des qualités insoupçonnées par le public et une remise en cause perpétuelle.

L'entraîneur dijonnais Daniel Maric, ancien international à ce poste (184 sélections), en est persuadé : « L'équipe qui a le meilleur gardien n'est pas loin du titre. Aujourd'hui, c'est lui qui fait la différence ». Cette remarque témoigne de l'importance prise par ce poste dans le hockey moderne. « C'est inhérent à ce sport. Toutes les défenses sont désormais basées sur un bon gardien. Il donne confiance au groupe. Il n'y a qu'à voir Détroit depuis le retour de Dominic Hasek, ce n'est plus la même équipe », renchérit le portier du CPHD, Franta Neckar qui, demain à Mulhouse, aura encore un rôle capital à tenir.

De plus en plus complets

Autrefois dans l'ombre, ces hommes équipés tels de véritables centurions sont actuellement l'objet de toutes les attentions. Ainsi, en mai dernier, après qu'Eric Raymond a offert le titre national à Rouen en stoppant en finale trois tirs aux buts amiénois lors de la seconde manche, plus d'un quart des clubs du Super 16 ont cassé leur tirelire pour dénicher l'oiseau rare : Petrik à Epinal, De Rouville à Briançon. « Cet engouement n'est pas nouveau », explique l'Amiénois Antoine Mindjimba. « Il date de l'époque des JO d'Albertville (1992). A partir de cette date, on n'a plus trop cherché à recruter le buteur exceptionnel. Les clubs se sont structurés. Le hockey français a pris modèle sur les pays de l'Est reconnu pour leur extrême rigueur défensive. Cette réorganisation est passée obligatoirement par le recrutement d'un bon gardien ».

Du coup, le nombre de buts inscrits lors de ces dernières années a chuté vertigineusement au point que les dirigeants de la NHL planchent maintenant sur la réduction de l'équipement du gardien ou l'agrandissement des cages. Devenu rouage essentiel, le gardien est depuis toujours un personnage à part. « Non seulement, on est seul mais, en plus, on n'a aucun moment de répit. Les palets sont aussi durs à l'entraînement qu'en match ! On ne peut se permettre de laisser échapper la rondelle sinon c'est le but, argumente Daniel Maric. Même s'il touche peu de palets, quand il y a un arrêt clé à faire, on attend de lui qu'il le fasse. C'est un boulot ingrat ! ».

Une tâche délicate qui requiert nombre de qualités insoupçonnées. « Ce doit être un bon athlète doté d'une certaine souplesse, d'une grosse agressivité sur le palet et d'un sang froid à toute épreuve », martèle le coach bourguignon avant d'insister sur un autre point essentiel : « Tout se passe dans la tête. Spécialement à ce poste, tout n'est qu'une question de motivation. J'ai stoppé ma carrière à 32 ans parce que j'étais nul ! Totalement dépassé ! Je ne faisais plus les efforts nécessaires pour être au niveau. »

Ce n'est pas Antoine Mindjimba (35 ans), qui dira le contraire. Actuel goal des « Gothiques » amiénois, « L'œil du tigre » entame sa 20e saison au plus haut niveau. Doté d'un palmarès impressionnant (trois fois champion de France, international à maintes reprises), il mélange allégrement travail et plaisir : « C'est ma passion. J'ai toujours voulu être plus fort d'année en année. Je suis tous les jours à la patinoire dès huit heures pour commencer mon entraînement soit par du training, de la musculation, ou du stretching. Avec la glace en plus, je m'exerce une moyenne de cinq heures par jour. Je travaille aussi pas mal le mental que ce soit par la sophrologie. Sans être croyant, ni pratiquant, j'essaie de m'inspirer de quelques pensées bouddhistes..»

Travail et expérience

Afin de tendre vers la perfection, le constat demeure identique pour Fabrice Lhenry, actuel titulaire indiscutable en équipe de France : « Avant chaque séance, je passe une demi-heure à faire et refaire les gestes techniques de base. Je bosse aussi beaucoup la coordination sur et en dehors de la glace avec des exercices de ballon par exemple ». Un dur labeur en raison de spécificités d'un poste qui demande toujours plus. « Avant, ils s'amusaient à shooter dans le palet ! Ils étaient très raides sur leurs appuis, et ne quittaient quasiment jamais leur ligne de but, explique le Mulhousien. Aujourd'hui, on exige de nous d'être beaucoup plus complet. On se doit d'être à l'aise à genoux, de se relever en un quart de seconde. Remarquez avec des palets qui partent parfois à plus de 150 km/h, si vous n'êtes pas en forme cela se voit tout de suite ! »

Franta Neckar cible un autre élément indispensable à ce poste : « A 32 ans, j'ai engrangé une certaine expérience qui me permet de mieux me placer. Je réfléchis plus à mes mouvements. » Ce qui explique, au moins en partie, pourquoi le Dijon hockey club est en route pour sa deuxième qualification en coupe Magnus. Y'a pas de secret !

Jérôme Roblot

Une espèce en voie de disparition ?

Les gardiens français sont au top à l'instar d'Eddy Ferhi et Cristobal Huet, enrôlés en NHL. Pourtant, il n'existe aucune structure spécifique de formation dans l'hexagone. « On ne m'a jamais corrigé sur la glace, regrette Fabrice Lhenry. Heureusement que je me suis documenté. La situation est inquiétante surtout dans le mineur. C'est tellement particulier d'être gardien que personne ne sait s'y prendre sauf un ancien gardien. Si Christobal Huet est à ce niveau c'est parce que durant ses cinq années passées à Lugano, un entraîneur venu de NHL, l'a coaché spécifiquement. Ca lui a permis de passer le cap. En France, on n'a pas encore cette culture si bien que les jeunes stagnent rapidement puis arrêtent. Les clubs sont aussi fautifs car ils favorisent l'arrivée d'étrangers. C'est dommage car certains ont un énorme potentiel. »

 

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