Bras de fer au sommet
Article Dauphiné Libéré (6 novembre 2003)
Le
directoire en charge du hockey à la fédération, depuis 18 mois, a été jeté
aux oubliettes début octobre, provoquant une levée de boucliers de la base.
Le hockey français s’est trouvé un nouveau problème. Comme s’il ne pouvait se passer de soubresauts récurrents. Le 4 octobre dernier, l’assemblée générale extraordinaire de la FFSG refusa ainsi d’entériner le directoire présidé depuis bientôt deux ans par Luc Tardif. Un drôle de désaveu pour ce dernier mais aussi une nouvelle preuve de l’inadéquation d’une fédération qui permet aux responsables du patinage ou du short-track ( par exemple), de voter contre les hockeyeurs… et vice versa bien entendu. Le hockey sur glace français, dont l’indépendance est impossible en raison de la volonté du ministère et du redressement judiciaire en cours de la FFSG – une indépendance pourtant réclamée avec insistance par la fédération internationale – s’offre ainsi une énième crise. Opposant en fait Didier Gailhaguet à Luc Tardif dont la montée en puissance avait visiblement porté ombrage à l’omnipotent président de la fédération. Ce qui n’aurait pu être qu’un épiphénomène a pourtant pris une ampleur inattendue ces dernières semaines et ne manquera pas d’animer les coulisses du tournoi de Briançon (7-9 nov). En effet Luc Tardif, dégoûté puis remotivé, a réagi en déposant les statuts d’une association pour l’avenir du hockey français quand, dans le même temps, la FFSG créait le CNHF, une nouvelle commission dont on ne connaît guère les tenants et les aboutissants, et encore moins les responsables pour remplacer le défunt directoire.
Outre Tardif, plusieurs clubs (Amiens, Dunkerque, Gap) et joueurs (dont Denis Perez vice-président) mènent donc la fronde. Parmi eux, trois titulaires de l’équipe de France, Vincent Bachet, Laurent Meunier et Baptiste Amar. « J’avais l’impression, dit ce dernier, que le directoire effectuait un bon boulot. Lors de son rejet dans des conditions surprenantes, j’ai appelé Luc Tardif pour qu’il m’en explique les raisons. Et j’ai adhéré à son association qui essaye aujourd’hui de faire circuler le message ». Un message encore un peu flou mais qui érige en principe premier la prise en main du hockey par le sérail, tout en votant une défiance implicite à la commission mise en place : « On veut se réunir, se fédérer, pour éviter ce que je considère comme un retour en arrière. »
Quand au risque lié à son combat et à sa présence en sélection, il se
veut explicite : « L’avenir le dira mais je ne crois pas que ce soit
incompatible. D’autant que la majeure partie des joueurs de l’équipe
nationale sont sensibilisés au problème ». « Le travail au dessus de tout
soupçon effectué par Luc Tardif depuis trois ans, sa gestion contrôlée, sa
crédibilité, ont fait que j’ai adhéré à cette association » résume le
président gapençais Georges Obninsky. Même sentiment, sans catastrophisme, du
coté du président grenoblois Jean-Luc Blache : « Le hockey marche de mieux en
mieux, le public répond en masse et le championnat a trouvé une stabilité intéressante.
C’est cette dynamique qu’il faut préserver à travers l’association de
Luc Tardif. C’est le moment pour le hockey français de se compter, de
s’appuyer sur l’émergence d’une nouvelle génération, sans faire preuve
de naïveté. Car le sport, c’est aussi de la politique. »
Le combat Fédération-Hockey s’est donc réouvert à la faveur de la
suppression du directoire. Et c’est sans doute un bras de fer de costauds que
s’apprêtent à livrer les deux parties.
Gailhaguet : « On m’a trahi »
Didier Gailhaguet réagit vivement aux critiques formulées par Luc Tardif et son mouvement.
Le directoire n’existe plus alors qu’il semblait fournir un bon
travail…
Effectivement, il fonctionnait bien et je m’en suis maintes fois félicité,
depuis que je l’ai impulsé à la suite des états généraux du hockey en
2001 à Grenoble. Mais on ne fixe pas un ultimatum ( ndlr : une motion envoyée
par le directoire le 2 octobre) à quelques jours d’une AG. J’ai été le
dindon dans cette histoire.
Le directoire demandait visiblement une vraie marge de manœuvre…
On ne peut pas dire qu’on effectue un bon travail et affirmer que l’on
manque de latitudes. Le hockey est dans la fédération, pas en dehors. C’est
moi qui suis allé chercher Luc Tardif, dont personne ne se rappelait vraiment
qui il était à l’époque, et d’autres membres du directoire, tel que
Bernard Bourandy. J’ai fait confiance et j’ai été trahi sur l’autel des
ambitions personnelles. Or, quand on a des ambitions, on le fait au moins lors
d’une année élective… Peut-être ne me suis-je pas assez impliqué.
On vous reproche justement d’être intervenu de manière radicale ?
J’ai été réélu en Avignon avec 80% des voix, j’ai cette légitimité.
Quand Raffarin nomme ses ministres, on n’y voit rien d’anormal. Et bien là,
c’est pour ainsi dire un remaniement ministériel avec des experts
prochainement nommés à la nouvelle commission, qui seront de qualité.
Comment percevez vous l’AAHF de Luc Tardif ?
C’est une bonne chose s’ils se réunissent pour aider le hockey français,
pour avancer encore. Si c’est pour créer des problèmes, le hockey n’en a
pas besoin, il a assez donné par le passé. Mais vous savez, mon grand-père était
berger et il a un dicton qui me plait assez : bien faire, laisser braire…