Tardif : " Une façon élégante de me virer "
Article Le Bien Public (17 octobre 2003)
Contraint à la démission suite au vote de l'assemblée
de la Fédération des sports de glace, l'ancien président du Directoire livre
en exclusivité ses impressions sur ce qu'il qualifie de « stratégie réfléchie
et délibérée à mon encontre ».
Le hockey sur glace français connaît actuellement un énième dérapage
incontrôlé, suite au refus des membres de la Fédération française des
sports de glace, d'inscrire le Directoire du hockey dans ses statuts. Chaque
partie concernée renvoie le palet dans l'autre camp. Tantôt l'omnipotence du
président Gailhaguet et de ses assesseurs est mise en accusation, tantôt
l'incompétence des dirigeants du Directoire du hockey est pointée du doigt. La
scission entre les dirigeants de la FFSG et le hockey n'a jamais été aussi
grande.
- Luc Tardif, on est surpris par la très faible participation des
responsables du hockey à l'AG fédérale du 4 octobre qui a décidé du
sort du Directoire. Comment l'expliquez-vous ?
Luc Tardif : « Effectivement, seulement 10 clubs sur 127 se sont
déplacés. L'explication réside dans le choix de cette date et du caractère
confidentiel du contenu de la réunion. »
- Vous attendiez-vous à ce vote de défiance ?
« Juste avant cette élection, le 2 octobre, j'ai rédigé un
rapport qui fixait les missions prévues par le Directoire. Il a été approuvé
par 24 voix pour et 2 contre dont celle de Millon. Ensuite, j'ai envoyé une
motion à M. Gailhaguet. Celle-ci a fait tapage. Je savais à partir de là
que j'allais à l'abattoir. Certains qui avaient préalablement approuvé ce
rapport, ont inexplicablement voté contre le Directoire. Ce vote est une façon
élégante de me virer. »
- La FFSG dans son ensemble a voté contre.
« Que le patinage artistique ait le droit de décider de refuser la
validation du Directoire de hockey, je trouve cela incroyable ! D'autre
part, même Rouen a voté contre le Directoire. Je voulais une répartition égalitaire
sur l'ensemble des clubs du Super 16, ça les a dérangés. Ce qu'on voulait,
c'est juste qu'on laisse les gens du hockey gérer le hockey, c'est tout. »
- On vous sent profondément déçu.
« Evidemment. On était à l'aube de capitaliser une image plus
acceptable du hockey. Je suis fier du travail accompli. On avait une bonne cohésion,
ça dérangeait. On a tissé de bonnes relations avec Sport +. On était sur le
point de trouver un accord pour 55 heures de retransmission, et 7 mois de
publicité. »
« Je n'ai pas su rester à ma place »
- Avec le recul, estimez-vous avoir commis des erreurs ?
« Je n'ai pas su rester à ma place. J'ai patienté deux ans, sans
aucun moyen avec des structures peu définies, j'aurais dû poser la question
plus tôt. Je ne suis pas un mec de compromis. Eux, ils ont l'expérience de la
bidouille. J'allais au front avec une épée en plastique. Sur les droits télé
et bien d'autres choses encore, j'ai négocié seul, certains n'ont pas apprécié.
Je suis d'ailleurs intimement persuadé qu'il s'agit d'une stratégie délibérée
et réfléchie à mon encontre »
- Quelle est la réaction du petit monde du hockey ?
« Le soutien des clubs est à l'image de la cohésion du hockey.
Certains présidents s'en foutent, d'autres plus rares comme Claude Brigand
m'ont appelé pour me réconforter. Quelques-uns encore ne sont pas au fait de
cette histoire. Rien n'a été fait pour qu'il le soit : la FFSG n'a fait
aucun communiqué de presse par exemple. Quant aux gens du Directoire, ils sont
choqués et ils se sont fait entendre. Je déplore simplement le silence du
ministère. Il y a aussi beaucoup de supporters, de joueurs qui ne comprennent
pas, c'est pour cette raison qu'ils ont monté un collectif. »
- Qu'en est-il dorénavant de l'indépendance du hockey qui était prévue
pour 2004 à la demande des instances internationales ?
« Je demande à voir. Je suis sceptique sur la volonté réelle de
changer les choses. Pour le moment, je n'ai rien vu de concret. Je me méfie des
effets d'annonce. »
« Pour nous, il est temps de penser au sport »
- Restez-vous optimiste quant à l'avenir du hockey français ?
« Notre heure va venir. Dorénavant, le problème principal est que
Million, qui a trahi sa famille, est président du hockey alors que personne ne
veut travailler avec lui. Il est d'ailleurs vice-président de la FFSG parce
qu'il y avait le Directoire qui lui conférait cette légitimité, aujourd'hui
que cet organisme a disparu, il devrait démissionner. »
- Qu'allez-vous faire maintenant ?
« Je vais rester vivant dans le hockey. On me fait porter le chapeau
mais je ne suis pas un martyr. Je continuerai hors structures même si je n'ai
plus de moyens. Cette association (le collectif) qui compte déjà 250
personnes, travaille pour l'avenir du hockey. Je vais me joindre à eux. On se
doit d'apporter du positif. Pour certains, l'essentiel est de sauvegarder le
pouvoir, le pognon, les petits voyages. Pour nous, il est temps de penser au
sport. »
Propos recueillis par Jérôme ROBLOT