Les Albatros, la belle histoire de famille
Article de Ouest France (25 avril 2002).
Le club de hockey cultive l'ambiance entre dirigeants, joueurs et public.
Loin du sport fric. Loin des clubs transformés en PME. Aux Albatros, le club de hockey de Brest, on vit en famille. Entre dirigeants, puisque c'est un couple. Mais aussi avec les joueurs, choyés par la maîtresse de maison. Le public est lui aussi dans la connivence.
Les joueurs de son club, Annick Bounoure les appelle "mes garçons". En deux mots, tout est dit : le rapport entre les deux dirigeants, le couple Bounoure, les hockeyeurs et même le public. L'ensemble forme un bloc, une famille, envers et contre toutes les péripéties du sport de haut niveau.
Une famille née de la nostalgie du père, Briec Bounoure. "Dans sa jeunesse, il a tâté de la crosse, se souvient Annick, son épouse. Trois ans." Cela a suffi à faire du hockey le sport de sa vie. En 1989, il se démène pour que son employeur, le groupe Doux, sponsorise l'équipe nantaise. À Brest, où jouent ses fils, l'équipe prend l'eau de toutes parts. Briec Bounoure abandonne les Ligériens. Désormais, pour lui et son épouse, le hockey sera brestois. Les ambitions sont affichées. "Franck était d'accord pour reprendre le club, mais à une condition : que l'on vise le haut niveau " témoigne Annick. La prétention a pu en faire sourire certains. Pas pour longtemps. Les Bounoure se défoncent pour le petit club, rebaptisé les Albatros.
Monsieur signe les contrats, Madame s'occupe du reste. De tout le reste. Lavage des maillots, rendez-vous chez le médecin, bulletins de salaire, organisation des déplacements à l'extérieur... La passion la gagne elle aussi. "J'ai pris ma retraite anticipée de l'Éducation nationale. Depuis, mes enfants disent que je me lève deux heures plus tôt qu'auparavant et que je me couche deux heures plus tard" sourit-elle. Pas étonnant que les joueurs se sentent bien en pays breton. Pour la maîtresse de famille, plus qu'un contrat juridique, c'est un engagement moral qui les lie aux Albatros. "Ils ont une de ces rages de vaincre. Ils sont respectueux de Brest, de son club, de sa ville, de ses supporters. Leur rôle, ils le prennent vraiment à cœur. On peut tout leur demander." Encadrer les petits, ou même faire l'arbitre...
La lassitude ? Connaît pas !
Pourtant, ces joueurs, il faut dire bien les faire venir à Brest. Pour cela, Briec Bounoure abat une carte maîtresse. "Avec mon mari, nous pensons qu'il est possible d'allier le sport de haut niveau aux études et à la formation" souligne Annick Bounoure. Chaque contrat de joueur est assorti de l'assurance de suivre une formation garantissant une reconversion sans heurt. Dix ans plus tard, le bilan est là. Flatteur. "Depuis 1990, trente joueurs ont trouvé un travail dans Brest et sa région grâce aux Albatros."
Mais une famille, ce n'est pas que des bons souvenirs. Annick Bounoure en conserve un, terrible, gravé dans la mémoire. 1995. Les Albatros affrontent les Dragons de Rouen en finale des play-off. Les Normands font figure d'épouvantails. Écrasent le hockey français depuis des années. Les Brestois les poussent dans leurs derniers retranchements. Ils s'inclinent à la mort subite (le premier qui marque gagne) dans les prolongations. "J'ai vu un de mes joueurs en larmes dans le Novotel de Rouen. Il avait encore les marques du match sur le visage, les joues creusées. Il a fallu consoler ce grand gaillard, qui pleurait pour son club."
Un an plus tard, l'heure de la revanche sonne. Les Dragons volent en éclats face aux Albatros. Trois matchs, trois défaites. Brest est champion. Marko Halonen, le Finlandais de l'équipe, s'empare d'un drapeau breton, et tourne sans relâche autour de la patinoire. Il tourne encore dans les yeux d'Annick Bounoure quand elle repense à la scène.
Tout cela, c'était dans l'ancienne patinoire, aujourd'hui détruite. Annick Bounoure la regrette toujours. "J'adorais le contact qu'elle permettait avec les gens, confie-t-elle. Tout le monde entrait par la même porte : joueurs, dirigeants, public. Je les reconnaissais. Cette salle n'était pas impersonnelle." Et d'assurer : "Tant que je serai dans ce club, celui qui paye sa place aura droit à autant d'égards que le sponsor." "Tant que je serai dans ce club"... Y aurait-il des idées de retraite dans l'air ? "Nous ne cherchons pas la gloire, assure Annick Bounoure. Nous ne vivons pas pour ça. La lassitude ? Je n'ai pas peur qu'elle me gagne un jour." La nouvelle patinoire, qui offrira sa glace aux Albatros en septembre prochain, devrait leur permettre de prendre de nouveaux envols. Et d'entretenir la flamme des Bounoure.