Messieurs, signez un exploit
Article du Dauphiné Libéré (25 novembre 2000).
Face à une équipe rouennaise qui leur avait laissé une marque douloureuse en première phase, les Grenoblois n'ont d'autre choix que de signer une performance exceptionnelle. Pour ce faire, ils compteront notamment sur le retour de leur gardien titulaire, Patrick Rolland, passé de l'enfer au paradis en douze mois.
Dire qu'il y a un an, il songeait à arrêter ! Et le voilà aujourd'hui gardien des Brûleurs de Loups et numéro "1 bis" de l'équipe de France ! Drôle de trajectoire en effet que celle de Patrick Rolland, qui aura un rôle de choix ce soir. << En fait, durant l'été 99, j'évoluais pour Lyon, sans avoir signé encore de contrat. Mais nous nous étions entendus sur les termes de l'accord avec le président rhodanien. Et puis, en match amical, je me suis blessé et les promesses se sont envolées. J'ai dû être opéré alors que je n'avais aucune couverture médicale ! J'ai vraiment pensé mettre un terme à ma carrière, d'autant que la Fédération me proposait un poste d'entraîneur de gardiens. Et puis Dennis Murphy (l'entraîneur villardien) m'a contacté pour m'occuper d'une part de Pascal Favarin, et disputer quelques matchs de l'autre >>.
Remis dans le bain, il se consacre plus encore aux rassemblements avec la sélection tricolore, << d'autant que Stéphane Sabourin était le premier entraîneur à me faire réellement confiance. Avec Fabrice Lhenry, nous avions toujours été barrés par des étrangers et là, il nous a donné une chance >>. Résultat, le voilà reparti pour les sommets, devenant même, aux yeux du coach, l'égal de Cristobal Huet... qu'il a lui-même formé quand tous deux portaient les couleurs iséroises ! << Ça me cause un plaisir fou de nous voir ensemble, à ce niveau. Nous sommes restés très proches, on s'appelle plusieurs fois par semaine et désormais, nous vivons une saine concurrence avec les Bleus >>. Former les jeunes, de toute évidence, Patrick a ça dans la peau, au point de savoir déjà qu'il consacrera son après-carrière à ce domaine. Mais il n'a pas attendu pour prendre également sous son aile Arnaud Goetz, son remplaçant aux Brûleurs : << Je l'ai connu en minimes, et l'an passé, je l'entraînais une fois par semaine. Cette saison, j'essaye de lui donner des conseils, et les matchs qu'il vient de réaliser ont vraiment été exceptionnels. Il a gagné le respect de l'équipe et m'a permis de me reposer, sans précipiter mon retour, après ma double blessure : la première face à Reims où j'ai craint le pire en entendant craquer ma nuque, la deuxième avec une déchirure aux adducteurs contractée avec les Bleus à Anglet. Si Arnaud continue sur cette voie, il se prépare un bel avenir, tout comme Favarin >>.
De retour à Grenoble à l'intersaison, après avoir failli singer à... Omsk (Russie) - << sportivement, c'était hyper-intéressant, mais emmener mon fils de 3 ans et ma femme là-bas, c'était autre chose >> - Patrick Rolland finit par revenir en Isère, après quelques tergiversations. Et reprend place à la patinoire Clémenceau, sans difficultés, même si le début d'année des siens s'effectue dans la douleur : << Le groupe était tout neuf, et venait d'horizons différents. Du coup, la mayonnaise a logiquement tardé à prendre, et l'équipe a vite fait de douter. On l'a vu sur les deux dernières rencontres, certains jeunes joueurs ont du mal à analyser "en direct" une situation fluctuante. Dans ce sens, la venue de Pouget ne peut qu'être bénéfique : sportivement, on peut dire qu'il a tout vécu et sait comment canaliser les ardeurs des uns ou rassurer les autres. A condition de ne pas se reposer uniquement sur lui et que chacun prenne ses responsabilités >>.
S'il s'attend à être très sollicité ce soir, << même si, fort heureusement, notre défense laisse moins d'espaces qu'auparavant >>, Patrick Rolland ne se départit pas d'un flegme égal, quelle que soit la rencontre. << L'expérience m'a appris que sous-estimer ou surestimer un adversaire ne donne rien de bon >>. A 31 ans, Patrick Rolland a suffisamment traversé d'épreuves pour ne pas se mettre martel en tête, sous prétexte qu'un leader pointe ses patins à Grenoble. Lui qui espère bien participer au mondial (sans doute à Grenoble) puis aux Jeux Olympiques de Salt Lake City en 2002, savoure aujourd'hui pleinement ce qui lui arrive. La recette d'un homme qui a beaucoup donné pour le sport, et qui, aujourd'hui, se voit payé d'un juste retour des choses.
Jean-Benoît Vigny