Le plus dur commence
Article du Dauphiné Libéré (2 novembre 2000).
Grenoble est sorti de la pénombre, au prix d'une performance collective assez étourdissante. Si les Brûleurs de Loups ont accompli, et de loin, leur meilleur match, ce renouveau demande confirmation. Pas forcément le plus simple.
Est-ce la présence de René Jacquot au coup d'envoi qui a donné autant de punch aux Grenoblois ? Toujours est-il que cette équipe sans âme, qui n'avait pas la capacité d'influer sur le cours des événements, a subitement fait volte-face, mardi contre Reims. Une victoire 10-4 faite de pugnacité, de regain offensif et de sérénité défensive - malgré la sortie de Patrick Rolland, bien suppléé par Arnaud Goetz -, qui donne en partie raison à ceux qui prônaient la patience, face à la série de mauvais résultats.
La performance est de taille puisque se dressait sur la route iséroise, non moins que le champion de France en titre et l'outsider numéro 1 du championnat derrière le favori rouennais. Peut-être faut-il voir d'ailleurs dans cette différence de standing supposée entre les deux formations, l'une des raisons du laxisme dont firent preuve les Champenois, une fois qu'ils eurent ouvert le score : << Quand on a vu les mauvaises performances grenobloises s'accumuler depuis le début de saison, peut-être nous sommes-nous dit qu'il serait facile de venir l'emporter ici, soulignait l'ancien capitaine des Brûleurs de Loups et aujourd'hui Rémois, Gérald Guennelon, victime d'une luxation à l'épaule. On peut difficilement dire que nous avons été absents mais, avoir marqué aussi rapidement nous a sans doute confortés dans ce complexe de supériorité que nous nourrissions un peu face aux Alpins >>.
La faiblesse champenoise à certains moments, ajoutée à la fébrilité de leur gardien remplaçant, Godefroy, n'explique pas complètement le pourquoi de cette partie à sens unique et la performance des trois lignes grenobloises qui, deux tiers durant (le troisième restant largement anecdotique), ont soufflé le show sur la glace (avec une mention spéciale à Guillemard, auteur d'un quadruplé). D'abord, il faut bien parler de cette réussite retrouvée. << Des tirs, j'en avais tenté des centaines depuis le coup d'envoi de la saison, arguait Nokkosmäki, et pas un ne voulait rentrer. Mardi, j'ai inscrit les deux premiers buts en autant d'occasions, avec cette réussite qui nous fuyait depuis tellement longtemps >>. En témoigne encore cette déviation victorieuse, sur le cinquième but, de Benoît Bachelet, que le capitaine grenoblois semblait, sur le coup, surpris de voir pénétrer au fond des filets !
Oui, Grenoble a tourné mardi au bon régime, avec l'intégration réussie de Bergamelli sur la première ligne, aux dépens de Carry, et ce désir d'ajouter à la volonté tout feu-tout flamme, un supplément de technicité qui a désarçonné Reims, comme il aurait trompé la vigilance de nombreuses équipes s'il était intervenu plus tôt dans la saison...
Mais non, les Brûleurs de Loups ne sont pas encore sauvés. Si le soulagement se lisait sur tous les visages isérois, pas un joueur ne se voyait déjà en haut de l'affiche. Car, désormais, deux obstacles s'annoncent : d'abord, les adversaires cesseront définitivement de prendre de haut Grenoble, et se méfieront avant d'avoir quatre buts dans la vue. Ensuite, parce qu'il est toujours plus difficile de rester au sommet (de son art ou du classement), que d'y accéder. La tension palpable et sans doute exagérée qui entourait l'avant-match dans les rangs isérois, ne bénéficiera que d'une pause de quinze jours due à la trêve internationale, si les Brûleurs de Loups retombent dans leurs travers dès les prochaines échéances. << Nous devons tous être conscients que rien n'est acquis >> témoignaient de concert, et sans qu'ils se soient consultés, le directeur sportif Jean-Philippe Lemoine puis le défenseur Jean-François Bonnard, ce dernier ayant visiblement pleinement profité de son année milanaise tant il dégage puissance et sérénité.
Alors que le recrutement de Christian Pouget devrait être réglé d'ici la reprise (le 14 novembre à Angers), les Brûleurs de Loups ont démontré qu'ils avaient les moyens de hisser sensiblement leur niveau. Reste à savoir si la performance de mardi relève d'une réaction d'orgueil d'un groupe dos au mur, ou si elle s'inscrira dans la durée.