Fleutot, retour vers le futur

 

Article du Dauphiné Libéré (28 octobre 2000).

Le néo-Grenoblois Patrice Fleutot a porté les couleurs rouennaises durant douze ans. Un long bail, récompensé par cinq titres, pour cet attaquant expérimenté qui, aujourd'hui, croit fort en l'avenir des Brûleurs de Loups. Et il se verrait bien faire un pied de nez à ses anciens partenaires, leaders incontestés mais pas incontestables.

Lorsqu'on naît à Megève, au pied des montagnes, le choix sportif est vite résumé : << C'était le ski ou le hockey >>. Patrice, lui, opte pour le monde du palet, quitte à devoir, ensuite, s'exiler tout là-haut, dans la pluvieuse Normandie pour exercer son métier : << Je suis parti en 85 car je ne me voyais aucun avenir dans les Alpes, puisque les équipes locales (Saint-Gervais puis le Mont-Blanc) disposaient d'un trop gros potentiel pour qu'un jeune comme moi ait sa chance. Alors, j'ai intégré les Dragons >>. Un départ timide en élite (9è place de la saison) mais une montée en puissance régulière : << L'année d'après on termine 6è, et on ne cesse de progresser jusqu'au titre de 90 >>. Le premier d'une ère de domination du hockey français, une épopée unique dans le nord de la France (cinq titres entre 90 et 95, seulement interrompus par une défaite en finale 91 face à... Grenoble !). << Nous avions une équipe hors du commun dans les années 90. Il y avait 10 ou 11 internationaux >>. Des hommes qui firent de l'Île Lacroix un bastion imprenable, jusqu'à l'avènement de Brest en 96.

Et pourtant, Patrice a trouvé mieux dans sa carrière que cette constellation de stars. Pas à Megève, où il retourna l'espace d'une saison (96/97), pour échapper au désastre financier qui menaçait Rouen (un redressement judiciaire pour un trou astronomique). Non, c'est à Milan, l'an passé, qu'il côtoya une pléiade de joueurs d'une autre planète, ou presque. Flash-back : << A la fin de la saison 99, alors que j'étais capitaine d'une équipe jeune à Rouen, j'ai eu un désaccord avec l'entraîneur, Guy Fournier, qui avait remis en cause mes performances alors que j'avais sans doute fourni ma meilleure année ! Je ne l'ai pas supporté et j'ai jeté mon dévolu sur Grenoble. Les dirigeants isérois m'avaient approché lors d'un stage de l'équipe de France à Albertville, et le président d'alors, Jean-Jacques Bellet, me proposait un beau pari. Pour rejoindre Grenoble, j'avais d'ailleurs refusé plusieurs propositions. Mais, à la dernière minute, j'apprends par mon agent que les Brûleurs de Loups tombent en D3 ! En une journée, je me suis résolu à accepter l'offre de Milan >>.

Rebondir en Lombardie, avec une équipe inscrite en championnat de France sans avoir le droit d'y figurer officiellement, une aventure qu'il n'hésite toutefois pas à saisir au vol : << Nous étions cinq Français, cinq Russes, cinq Finlandais et... un Italien ! Mais l'entraîneur a su s'y prendre pour éviter les clans nationaux. Et je dois dire que je n'avais jamais connu un tel niveau de jeu. Certains avaient évolué en NHL et tous les autres évoluaient un ton au-dessus de ce que j'avais vécu à Rouen. Le tout dans un club ultra-professionnel, avec des conditions incroyables >>.

Neuf mois en Italie avant que le Mégevan ne pose enfin ses patins en Isère, certain d'avoir fait le bon choix : << Sans forfanterie, je ne me suis jamais trompé dans ma carrière. Et je suis persuadé que Grenoble sera un très grand club dans les prochaines années. Cette année, nous irons en demi-finales, même si notre début d'année laisse penser le contraire. Mais j'avais prévenu tout le monde en août : il nous faudra deux moins de compétition pour former une équipe compétitive. Le temps d'assimiler un nouveau système et de trouver la bonne alchimie dans chaque bloc. Je pense que nous touchons à la fin de cette période de rodage >>.

En attendant la carburation maximale, il faudra déjà affronter l'ogre rouennais, qui, à défaut d'écraser le championnat, le mène sans trembler. << Nous savons que cette formation a peu de failles. Mais pour les battre, il convient d'effectuer un travail sur nous-mêmes : d'une, il faut se persuader que nous avons les moyens de les battre, et deux, restons concentrés de bout en bout, pour enrayer cette série d'erreurs qui font régulièrement basculer les matchs en notre défaveur. Le staff technique ou le système ne sont pas en cause. Une erreur individuelle, par définition, c'est la faute du joueur, point. Pour battre Rouen, il n'y a qu'une solution : être sur le pied de guerre du début à la fin, et bosser, bosser, bosser >>. C'est clair ?

Jean-Benoît Vigny

 

Retour aux articles d'octobre 2000