Maurice Richard : une légende s’en va
Article de la Liberté de l'Est (30 mai 2000).
Rapide, tenace et talentueux, Maurice Richard, décédé samedi des suites d’un cancer à Montréal à l’âge de 78 ans, était une légende du hockey canadien devenue un véritable héros national du Québec, sa province.
Pendant les 18 années de sa carrière avec le Canadien de Montréal, de 1942 à 1960 , il fut la grande vedette du hockey professionnel nord-américain, inscrivant une vingtaine de records. Mais plus qu’un simple joueur de hockey, Maurice Richard fut une source de fierté pour toute une génération de Canadiens français. C’était à l’époque où ces derniers, qui ne s’étaient encore pas proclamés Québécois, se sentaient traités comme des citoyens de seconde zone par la majorité anglophone du Canada.
Né à Montréal en 1921, Maurice Richard, l’aîné d’une famille de 8 enfants, reçoit ses premiers patins à l’âge de 4 ans. Le hockey devient vite sa passion. Il fait ses débuts chez les pros en 1942 et ne tarde pas à faire parler de lui, bien que ses coéquipiers le décrivent comme un homme taciturne un brin mystérieux. Dès l’année suivante, il est surnommé le rocket (la fusée) tant il patine vite, surnom qui lui collera à la peau jusqu’à la fin de ses jours. En 1944-45, il devient le premier joueur à marquer 50 buts en 50 matchs.
Pour neutraliser le n° 9, ses adversaires sont prêts à toutes les tactiques. Ils savent que Richard a un tempérament bouillant et qu’il perd souvent la tête.
En 1955, un adversaire lui assène un coup de crosse sur la tête, Maurice Richard, le visage ensanglanté, réplique par une solide droite au visage. Excédé, il s’en prend même à l’arbitre qui tente de s’interposer.
La décision du président de la ligue, Clarence Campbell, est sans appel : Maurice Richard est suspendu pour le reste de la saison. Au match suivant, quand Campbell prend place sur son siège au forum de Montréal, le stade du Canadien, la foule crie à la provocation, voire au racisme. Une bombe lacrymogène explose près de lui. Le stade est évacué, une émeute éclate dans les rues de la ville.
Pour plusieurs historiens, cette émeute marque le réveil du nationalisme québécois. La revanche du capitaine du Canadien est douce. Dès l’année suivante et jusqu’en 1960, il conduira son équipe à 5 conquêtes d’affilée de la coupe Stanley, un record encore inégalé. Il en a remporté 8 en tout. En 1957, il devient le premier joueur à atteindre le plateau des 500 buts.
Au printemps de 1960, diminué par les blessures, il annonce sa retraite. A 38 ans, il est alors le meilleur marqueur de tous les temps, avec 965 points, dont 544 buts. Un titre qui lui sera ravi plus tard.
Maurice Rocket Richard a tout aussi profondément marqué la société québécoise d’après-guerre que le Premier Ministre indépendantiste René Lévesque ou le poète et chanteur Félix Leclerc, eux aussi aujourd’hui disparus.
Maurice Richard était venu à Epinal à l’occasion d’un match de vieilles gloires canadiennes au cours duquel il avait pris le sifflet.