Lemoine : << C'était inévitable >>
Article du Dauphiné Libéré (10 mai 2000).
Retraité du hockey l'an dernier, le défenseur international français avait grandement participé, depuis 85, à la remontée des Français du groupe C au groupe A. Il essaie d'expliquer comment les Bleus sont retombés dans l'antichambre de l'élite.
- Que vous inspire aujourd'hui la relégation des Bleus ?
<< D'abord, et avant tout, une grande tristesse pour les athlètes, pour notre sport en France. Mais cette échéance était devenue inévitable. Ces dernières années, nous avions toujours réussi à nous maintenir, avec un peu de réussite parfois, avec cette part de chance que l'équipe actuelle n'a pas eu cette saison, à cause des résultats de la Russie. >>
- En quoi cette relégation semblait-elle inéluctable à vos yeux ?
<< Nous ne sommes plus dans une logique sportive depuis cinq à six ans. Je crois que le tournant se situe au moment où la Fédération a été placée en redressement judiciaire. Car, pour bien comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd'hui, il faut remonter à nos débuts. En 85, nous sommes montés dans le groupe B, puis le Suédois Kjell Larsson est arrivé. Il a eu cinq ans pour mettre en place un système de jeu, pour hausser notre niveau grâce à de nombreux regroupements. Il avait des moyens et le temps, ce qui nous a conduit à grimper en groupe A. Son successeur Juhani Tamminen a pris un relais efficace. Deux hommes qui expliquent notre quart de finale aux Jeux d'Albertville, et notre huitième place au Mondial 95. C'est ensuite que tout s'est dégradé. Le Canadien Dubé a été remercié au bout d'un an, alors qu'il avait des idées à moyen terme, et on a commencé à travailler dans l'urgence, sans politique de développement durable, avec des entraîneurs-intérimaires, sans projet pour les jeunes. >>
- Hier, une page s'est sans doute tournée...
<< Notre génération était parvenue à ce niveau, grâce aux moyens dont elle disposait et au talent de ses composantes. Plusieurs sont partis au fur et à mesure (Ville, Pouget, Lemoine...) et maintenant, les derniers, tels Perez et Bozon, vont sans doute prendre du recul. Paradoxalement, la relève n'a jamais été aussi présente qu'aujourd'hui. N'oublions pas que de nombreux Franco-Canadiens peuplaient la sélection il y a quelques années, alors que désormais, les joueurs sont réellement issus des clubs français (ndlr : seuls les "Franco" Ouellet et Allard jouaient en bleu en Russie). Le potentiel, le talent, on les a en France, mais il faut arrêter de faire semblant. La Fédération doit vraiment donner les moyens aux athlètes d'évoluer dans de meilleures conditions. >>
- Comment voyez-vous l'avenir ?
<< La Fédération veut assainir le hockey français, et c'est une bonne chose. Mais faire le ménage ne suffit pas si l'on ne met pas des moyens derrière. Il faut structurer l'élite et se donner le temps de réussir. Le président de la FFSG a annoncé que la France serait candidate pour le Mondial 2005, mettons à profit ces cinq ans pour tout mettre à plat, développer notre sport et arriver au top. >>
Jean-Benoît Vigny